Day 2, les Peace Walls
Bonjour!
Et merci beaucoup pour vos commentaires d'hier.
Avant d'attaquer les photos quelques explications sont nécessaires... Un peu de lecture pour vous, donc!
En effet, on continue avec ce que j'attendais le plus de ma visite à Belfast: l'aspect histoire du conflit entre catholiques et protestants! En effet l'histoire des "Troubles" me passionne depuis très longtemps. Pour faire court, depuis le 19e siècle les protestants, qui souhaitent majoritairement rester rattachés à la couronne britannique, s'opposent aux catholiques, qui sont majoritaires en termes de population, et veulent, eux, que la totalité de l'île d'Irlande soit indépendante.
Depuis la partition de l'Irlande, ces deux camps s'opposent donc pour le devenir de l'Irlande du Nord, c'est à dire le status quo (rattachement à la couronne) ou le rattachement à la République d'Irlande. Les premiers s'appellent donc Loyalistes (=loyaux à la couronnes) ou Unionistes (pro-Royaume Uni), et les seconds, les Républicains ou Nationalistes. Rien à voir, en fait, avec un vrai conflit de religion, on pourrait dire, c'est plus une question territoriale et identitaire.
Ne cherchez pas, de chaque côté, il y a des méchants. Les protestants bénéficient/-aient (on sait jamais, à propos de ce conflit et du ressentiment qui va avec, si on peut maintenant vraiment utiliser le passé...) du soutien de l'armée et des forces de police britanniques, et globalement occupaient les postes à responsabilités, surtout dans l'administration. Les catholiques ont subi beaucoup de discrimination mais ont un des pires groupes paramilitaires, la tristement célèbre IRA qui a posé des bombes un peu partout, à la fois en représailles suite à des actes répréhensibles des protestants ou des forces de l'ordre britanniques qui leur étaient assimilées (par exemple quand l'armée britannique a tué 13 civils innocents à Derry lors du fameux Bloody Sunday), mais aussi pour protester contre des arrestations, des conditions de détention, ou alors simplement pour continuer à revendiquer le rattachement des 7 provinces d'Ulster à la république d'Irlande.
De chaque côté, donc, il y a de graves blessures (je parle au sens figuré), des morts, et des esprits vengeurs. En tout cas, même si la séparation volontaire des communautés existe toujours, la sécurité s'est largement améliorée depuis les accords de paix et le démantèlement de l'Ira Provisoire en 98.
BREF. Nous avons commencé par aller voir les Peace Walls le 2e matin, et ça va déjà bien m'occuper pour cet article... Alors, un Peace Wall, un "mur de la paix" ça sonne trop sympa hein? Eh bien regardez, ça ressemble à ça:
Le principe: une idée du gouvernement britannique vers les années 70, qui a choisi, pour remplacer les barricades montées par les habitants eux-mêmes, de dresser un mur entre les communautés qui les empêcherait de se voir, et donc de se taper dessus. Ces murs sont efficaces(leur envergure a augmenté au fil des événements) et donc il y en a énormément à Belfast (près de 100 il paraît, certains visibles, d'autres non matérialisés) Ce mur-là, qui sépare le quartier catholique de Falls et celui protestant de Shankill, est très haut comme vous le voyez mais aussi particulièrement épais (env 30-40cm) et c'est je crois le plus long de la ville (en regardant sur google maps j'ai compté environ 600m). Côté protestant il longe une longue route appelée Cupar Way, et se trouve au fond des arrière-cours de maisons côté catholique. A chaque extrémité de ce mur, comme à de nombreux autres endroits, il y a des "Peace Gates" ou portes de la paix, un très joli nom pour désigner d'énormes portails surmontés de barbelés ou de pics métalliques pour éviter d'être franchis, ouverts le jour et refermés chaque soir.
On ne peut pas s'empêcher de penser au mur de Berlin quand on est là mais je pense qu'il y a de nombreuses différences. D'abord, ces peace walls ont été construits pour le bien des deux communautés de chaque côté, leur protection, et l'apaisement (s'il est possible!) des tensions. En un mot, c'est un mur de séparation, et non pas un mur de contention unilatérale. Ensuite, pas de contrôle de papiers aux peace gates. Enfin, ni un côté ni l'autre n'a de restriction de mouvement en journée (passer le mur de Berlin d'Est en Ouest était sûrement bien plus difficile!). Personne ne garde ces portes, en tout cas pas celles que nous avons vues.
Tout comme la décision a été prise de cesser le feu, faire des accords de paix etc, pour faire progresser la situation, la décision a été prise cette année par le Premier Ministre d'Irlande du Nord de faire tomber ces murs sous 10 ans. Notre guide nous a dit que ça n'était pas près d'arriver, parce que changer les mentalités des gens, ça va encore prendre longtemps... Et depuis j'ai lu dans Wiki qu'en 2012 un sondage avait révélé que 69% des habitants pensaient qu'elles étaient encore nécessaires pour maintenir la sécurité de tous.
Comme vous pouvez le constater, il y a parfois des fresques positives et optimistes.
Celle-ci m'a plu par son message:
Voilà ce qui se trouve en face du mur, une sorte de no man's land brûlé et démoli comme on voit pas mal dans la ville alterner avec les zones habitées.
Quelques mètres après les Peace Gates que je vous montrais plus haut, un autre "jeu" de peace gates tout aussi sympathiques pour franchir la même rue...
Attirés de loin par une peinture murale qui s'est avérée être l'ange que vous voyez ci-dessous à droite, nous avons découvert ce mur de fortune construit pour empêcher le passage des gens depuis le gros axe tout proche vers l'intérieur de cette rue (ou l'inverse!). A priori, il doit avoir été construit par la police locale pour restreindre les possibilités de circulation d'individus à surveiller et/ou interpeler.
Et nous revoilà partis le long du Peace Wall pour y admirer les fresques. Au départ, des panneaux, puis des "tags" et ensuite à nouveau des oeuvres d'art réalisées sur panneau
Face au mur, un message qui fait sourire!
Malgré les multiples panneaux demandant de ne pas écrire sur les oeuvres, elles sont couvertes de messages de visiteurs. Ici, un très joli poème fait par des écoliers de la ville, qu'on arrive à lire tout de même malgré les graffiti du bas
Même si on n'a pas le droit d'écrire sur les oeuvres d'art, il est de tradition d'inscrire un mot sur le mur lui-même. Ainsi deux illustres visiteurs y ont laissé leur trace, le Dalaï Lama, et Bill Clinton, dont le message a été ensuite transformé en une partie de cette oeuvre d'art:
Ca vaut peut-être la peine d'une petite traduction pour les quelques-uns qui me liront sans maîtriser l'anglais:
"ouvrez les bras au changement, mais ne cédez pas sur vos valeurs"
Et Bill Clinton a écrit...
"Je n'ai pas eu de relations sexuelles avec cette femme" OUPS! ^^
Non, Bill Clinton a écrit:
"La Force et la Sagesse ne sont pas des valeurs qui s'opposent".
Je redescends vers le début du mur pour vous montrer que nous sommes tout de même du côté protestant et que même si les fresques sont pacifistes, elles honorent des thèmes chers à cette partie de la population comme vous le verrez dans mon prochain article. Ici, le thème de l'hommage aux soldats morts dans la bataille de la Somme:
Je ne vous montre pas tous les graffitis parce qu'il y en avait énormément et que ça n'était pas mon centre d'intérêt majeur mais les amateurs doivent aussi se régaler en visitant cette zone.
Comme je vous le disais hier, les ouvriers du Titanic étaient majoritairement protestants, donc on trouve aussi des oeuvres murales à l'effigie du Titanic, dans les quartiers protestants. Toutes celles que nous avons vues étaient en zone protestante!
D'ailleurs, pendant que les Protestants construisaient le Titanic, savez-vous ce que faisaient les Catholiques?
Hmm?
Ils construisaient l'iceberg bien sûr! ;) (petite blague de notre guide!)
Encore une vue pour vous donner une idée de la longueur de ce mur...Et encore...
Petite photo pour vous montrer l'épaisseur du mur, regardez vers le haut de la photo, on voit (un peu...Pas de bol à ce moment-là une éclaircie a un peu gâché la photo...oui oui j'ose tenir ce genre de propos! lol) on voit l'épaisseur du mur, que naïvement j'imaginais être fait uniquement de tôle mais il est "un peu" plus costaud que ça...Ce qui ne l'empêche pas, par endroits, d'être comme troué et déchiré, témoin de la violence des techniques utilisées pour les affrontements communautaires.
J'ai beaucoup pris le temps de m'approcher du mur et de lire, au hasard, les messages qui attiraient mon regard. Au bout d'un moment, je me suis sentie vraiment émue par tant de messages positifs laissés par des gens du monde entier pour encourager les habitants d'Irlande du Nord à vivre en paix. C'était particulièrement touchant, je trouve, de voir que l'idéalisme est encore là et fait tout ce qu'il peut pour les pousser vers un meilleur avenir!
Vers la fin du mur on voit une allusion aux murales protestantes les plus connues du quartier de Shankill (cf un prochain article!)
Puis juste à côté, une suggestion de ce que cela pourrait devenir si on les remplaçait par des choses plus positives (on y reviendra dans un autre article)
Au bout de Cupar Way, un premier aperçu de la déco générale des quartiers protestants (je rappelle: unionistes, pro-Royaume-Uni, s'identifiant comme britanniques)
Qu'est-ce que vous croyiez trouver, à l'autre bout du mur? D'autres "peace gates" tout aussi barbelées évidemment...
Quelques pas et minutes en arrière pour finir...parce que non, je ne pouvais pas passer là sans laisser mon petit mot.
Petit mot laissé, vous l'aurez peut-être reconnu, au stylo 4 couleurs du Crédit Mutuel Enseignant, ça ne s'invente pas! lol!
Voilà donc mon petit message, que d'aucuns trouveront peut-être naïf, ou paradoxal. Je l'ai voulu évidemment pacifiste mais je souhaitais aussi qu'il exprime mon opinion sur la disparition des murales (les murales n'ont rien à voir avec les oeuvres visibles sur les peace walls, ce sont des fresques politiques peintes sur les maisons, vous les verrez dans un prochain article) et il dit donc:
"Préservez les murales de Belfast,
faites qu'elles aident chacun à se remémorer les erreurs du passé
Qu'elles attisent le feu de l'amour et de la réconciliation en Irlande du Nord."
Croyez-moi ou non, la première éclaircie de notre séjour, un magnifique rayon de soleil, est apparu immédiatement après la rédaction de cette petite prière...
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